DANIEL BAYON AU FLANC DE LA COLLINE, UN LIVRE QUI NOUS TRANSPORTE LOIN DANS LA COMMUNE DE SAINT- LÉON

 

Daniel Bayon  - Au flanc de la colline



Un livre que vous ne trouverez ni dans les librairies, ni sur Amazon ou sur les sites Web. Et c’est vraiment dommage: L’auteur autodidacte, connu dans le Bourbonnais, a écrit quatre livres, entre 1984 et 1995. 

Les trois premiers sont présentés comme des romans. « Au flanc de ma colline », le dernier, est un récit autobiographique, puisque rien n’est emprunté à l’imagination, à l’invention propre au roman.

Peu importe d’ailleurs, ce que Daniel Bayon raconte nous transporte loin, même si l’action est circonscrite dans les limites de la petite commune de Saint-Léon, son (notre) cher village. 

Né en 1941, dans une famille pauvre d’exploitants agricoles au pied de « sa » colline (le Puy Saint-Ambroise de Saint-Léon), il suit « l’école » jusqu’au Certificat d’Études, et intègre la ferme de ses parents pour y travailler, apporter une aide précieuse. 

 

Daniel Bayon sur le Puy Saint - Ambroise

 

Il aurait bien aimé continuer les études, il aime la lecture, mais le « non » catégorique de son père anéantit toute velléité. Et il l’accepte sans rechigner, car c’est « comme ça et pas autrement » à la campagne, dans les années 1950, le travail de la terre et l’élevage demandant des bras, de l’attention et du dévouement tous les jours de l’année. 

À sa majorité (21 ans) il décide pourtant de partir, la ferme ne lui offrant aucun avenir. Il devient facteur (pour lui, une sorte de messager qui court la campagne, crée du lien social) profession qu’il admire et envie depuis son enfance.

Au flanc de ma colline est un ouvrage abouti, bien structuré. L’auteur nous raconte dans le détail son enfance à la ferme, à l’école (ses copains, le rôle des instituteurs, les jeux, etc.) Puis la période du travail au « domaine » dirigé par son père. Saint-Léon est le cadre unique du livre : une délectation pour ceux qui connaissent ou ont connu le village. Les habitants cités (entourage de Daniel, commerçants et artisans, personnalités, etc.) apparaissent sous leur vrai nom, ce qui donne au récit un relief très particulier. 

L’auteur relate les traditions locales et les activités champêtres auxquelles il participe (les conscrits, fêtes patronales, pèche à la truite, etc) et décrit exhaustivement, mois après mois, le travail chez lui, à la ferme : un récit anthropologique sur les us du monde rural dans les années 1950, les techniques (rudimentaires) d’exploitation de la terre et d’élevage, le rythme des saisons, l’entraide entre les fermes, la répartition des tâches, etc. 

L’auteur a déjà 54 ans quand il publie le livre. Le temps a fait son œuvre depuis son départ de la ferme à l’âge de 21 ans : de l’écriture claire, simple et belle jaillit une forte nostalgie. Il ponctue le texte d’expressions de patois bourbonnais, voire de Saint-Léon (glossaire en fin de volume). Tout cela sans aucune lourdeur, au contraire : ceci donne au texte déjà fluide, un certain dynamisme. Quelques exemples :

« Souvent, l’hiver, les hommes avaient les mains remplies de crevasses. Alors, ils faisaient fondre de la poix (on appelle cela de la pege) qu’ils appliquaient à même la plaie pour attendrir les bords ; ce produit miracle, on le trouvait chez les cordonniers, car ils s’en servaient pour la préparation de leur fil, et ils en avaient toujours en réserve. Quelquefois, quand je partais à l’école, mon père me disait : - ce soir avant de revenir, passe donc chez Cucu chercher de la pege. T’l’y diras qu’c’est per mette su les crevas! » 

« Mais le magasin qui nous fascinait tous, c’était celui de l’Odette Fradin. Elle vendait des jouets, des livres pour enfants. Sa vitrine était toujours plus ou moins garnie. On était bien loin des jouets supersophistiqués d’aujourd’hui. C’était simple, très simple : un fusil à flèches, un ballon en caoutchouc, une auto mécanique qu’on remontait avec une clef. Un pistolet à bouchon, un livre d’images, un album à colorier. Mais pour nous qui n’avions jamais vu mieux, c’était la caverne d’Ali Baba. »

Dans les dernières pages du livre, Daniel Bayon s’ouvre à la réflexion : sur le temps qui passe, le destin des hommes. Il parcourt le cimetière de Saint-Léon, connait tous les noms, se souvient… et comme un dernier message, testamentaire, ferme le cercle de sa production littéraire : 

« Ma vie aura été simple, très simple, cependant merveilleuse, car j’ai eu la chance d’être jeune à une époque où il faisait bon vivre, ce qui m’a permis d’apprécier pleinement les plus belles années. Aujourd’hui, même si je ne suis pas encore un vieillard, j’ai conscience d’être déjà sur le chemin du déclin, et je ne suis pas de ceux qui se considèrent comme indispensables et éternels. Je ne souhaite pas la mort. Je ne l’appréhende pas non plus. Le jour où elle viendra, mon ultime désir sera de reposer ici, au flanc de ma colline, à l’endroit que j’ai choisi, parmi ceux qui m’ont vu grandir. » 

 

Mon opinion :

Avant tout, mettre en avant la qualité littéraire du texte : l’auteur parvient à nous intéresser, dès la première page, et cela jusqu’au dernier mot. 

Le style sobre et fluide, met en valeur les personnages, les situations qu’il raconte. Une maitrise sûrement acquise au fil de ses livres (celui-ci est le dernier). 

Ensuite, plus les années passent, plus le contenu prend de l’importance : sorti en 1995, alors que Saint-Léon comptait encore plusieurs commerces et artisans, il intéressait déjà. Mais aujourd’hui, dans le contexte d’une campagne dépeuplée, de Saint-Léon devenu un village fantôme (en ce qui concerne les commerces : il n’en reste pratiquement plus !), alors « Au flanc de ma colline » prend un autre sens : celui d’un témoignage précieux, qui laisserait bouche bée les générations d’aujourd’hui. 

Enfin, ce livre est « édité par l’auteur ». Et cela me touche spécialement, puisque que mes livres sont aussi auto-édités. Et cela n’est pas rien : on trouve quelques fautes de frappe, quelques problèmes de ponctuation, etc, ce qui lui confère un charme particulier. Pas de Google en 1995, pas de clavier d’ordinateur, ni de correcteur d’orthographe… Toute recherche spécifique ( par exemple sur un terme technique, des dates, des informations générales ), Daniel Bayon l’a sûrement réalisée avec les moyens du bord, les dictionnaires, les encyclopédies… En somme, un travail de fourmi. 

Finalement, ce livre démontre que le talent n’a rien à voir avec le niveau d’études.

 

 (15 avril 2024) 
 

Hommage à Daniel Bayon - Article publié avec l'autorisation de M. Alain Bayon

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