DÉBARQUEMENT DU 6 juin 1944 PAR STÉPHANE DELOGU ET MARC LUCZAK

Le parachutiste J. Steele - Sainte-Mère-Église - Photographie de Mikael Moazan

 

Cornelius Ryan commence Le Jour le plus long, publié en 1959, par cette réflexion de Rommel :  "Si vous pensez qu'ils arriveront par beau temps, en empruntant l'itinéraire le plus court et qu'ils vous préviendront à l'avance, vous vous trompez... Les Alliés débarqueront par un temps épouvantable en choisissant l'itinéraire le plus long.. Le débarquement aura lieu ici, en Normandie..." (Maréchal Rommel, avril 1944). 

Et ce fut, sans doute, les journées les plus longues et les plus attendues de cette année 1944 voici 

 

Le Déroulement du débarquement de Normandie

 
J - 3 20h50 : Le 1er message de Radio-Londres ("L'heure des combats viendra"...) est capté par les résistants Français. Il annonce l'imminence du Débarquement et constitue l'ordre de mise à exécution des sabotages de voies ferrées de l'ouest. Placement en alerte de tous les réseaux.

J - 2 23h00  : Radio-Londres envoie les messages complémentaires tant attendus (Le laboureur dans le matin brumeux... et ...Les sanglots longs des violons de l'automne...) donnant aux F.F.I l'ordre de sabotage généralisé du reliquat ferroviaire et des installations téléphoniques. 

Désormais, plus aucun train n'est en mesure d'acheminer du matériel vers la Normandie alors le réseau de télécommunications est neutralisé. La première strophe de Verlaine annonce l'éxécution dans les deux jours des opérations Neptune et Overlord. En Angleterre, acheminement des unités d'assaut vers les zones portuaires, fin de l'embarquement des derniers véhicules. Le 5 juin, le convoi est détourné en pleine mer. Overlord est provisoirement suspendu.

J - 1  3h 30 À l'état major du SHAEF, près de Porstmouth, "Ike" Eisenhower vient de donner le feu vert à son état major. Le jour J aura lieu le 6 juin après avoir annulé les opérations prévues pour le 5 juin.

J - 1 20h00 "Blessent mon cœur d'une langueur monotone..." La seconde partie de la strophe vient d'être prononcée par le speaker de radio-Londres. Mobilisation générale de tous les réseaux, et passage à l'offensive (Attaques de dépôts de munitions, de stations de transmission, embuscades sur tout le réseau routier, harcèlement des convois Allemands). 

 


 

Désormais, plus aucun convoi ferroviaire ne peut rejoindre la Normandie, le réseau téléphonique est totalement coupé, les mouvements de troupe sont devenus très difficiles en raison des coups de main continuels. Les alliés peuvent compter sur un effectif total d'environ 100.000 FFI. Les deux parties du message annonçant le débarquement provoquent des réactions inégales au sein de l'O.K.W, où beaucoup d'officiers n'y voient rien d'autre qu'une nouvelle manœuvre d'intoxication des alliés.

J - 1 22h00 Bombardement des batteries côtières, des ponts, et des stations radar du littoral Normand par l'U.SA.F et la R.A.F. Sainte Mère Eglise est touchée par plusieurs projectiles, l'un d'entre eux incendie une maison en centre ville. La Normandie est coupée du reste du monde.

J - 1 23h55 Parachutage des équipes de pathinfders (éclaireurs) britanniques dont la mission est le balisage des zones de saut. 

 

Le 6 juin 1944 - Jour J - D-day

00h10 À leur tour les éclaireurs des 101ème et 82éme Airborne sont largués entre Sainte Mère Église et Carentan, après avoir été acheminés par 20 C47. 

00h20 Les planeurs Albermale transportant 180 "Ox and Buks" du major Howard se posent à quelques centaines de mètres des ponts de Bénouville et Ranville. L'effet de surprise joue à merveille et après un bref mais violent combat, les points sont pris. pertes légères. Le message "Ham and Jam" (œufs et jambons), prévu pour informer le SHAEF de la réussite de l'opération, est reçu quelques instants plus tard à Londres, où un soupir de soulagement monte à l'unisson : les ponts de Bénouville et Ranville sont aux mains d'Howard et ses commandos. 

00h45 730 avions et 355 planeurs Horsa et Albermale larguent les 3e et 5e brigades de la 6ème Airborne (commandée par le Gén. Gale). Les commandos Anglais (auxquels sont intégrés 450 paras Canadiens) s'élancent à l'assaut des 8 objectifs attribués par le S.H.A.E.F. Malgré la dispersion due au vent violent et la perte d'une grande partie du matériel, les premiers sticks commencent à se regrouper au sol. 7990 hommes sont engagés. 

01h00 Parachutages des 15.000 soldats et officiers de la 82ème Airborne et de la 101ème Airborne à bord de 1660 C47 et 152 planeurs Waco. seuls les 501ème , 505ème, et 506ème Régiments atterissent à peu près sur leur drop zone initiale. Pertes importantes. Nombreux noyés dans la zone immergée par l'occupant (Marais de Carentan). Les unités sont pour la plupart dispersées et se regroupent en noyaux hétérogènes. une partie du 505 PIR est largué sur Sainte Mère Eglise. Le P.F.C John Steele, blessé par balles, restera suspendu plusieurs heures au clocher de l’église, avant d'être fait prisonnier. La 101ème Airborne est dispersée sur une vaste partie du Cotentin. Plusieurs paras atterrissent même au bas de la pointe du Hoc : ils participeront à l'assaut avec le 2e Rangers de Rudder !.... 

02h00 Les ponts de Troarn, Robehomme et Bures sont détruits par la 6e Airborne. En mer, les troupes d'assaut commencent à gagner les landing craft infantery (L.C.I) 03h 30 Le matériel lourd de la 6e Airborne, dont 6 chars légers Tetrach se posent à l'est de l'Orne. 

04h30 Prise de la batterie de Merville par les paras Britanniques de la 9e Brigade. Destruction des quatre canons Français de 75. 1000 paras du 505 P.I.R (82è Ab) investissent Sainte Mère Eglise et se rendent maîtres du village après de violents combats. De retour de Rennes, Le général Wilhem FALLEY, commandant la 91ème D.I est abattu par un groupe dont fait partie Jack Schlegel, para US du 508e. 5h 20 A La Madeleine et Vierville, le sous-lieutenant Arthur Jancke (709e DI Wh) et le major Werner Pluskat (352e DI Wh) comtemplent, médusés, un spectacle terrible et presque surréaliste. Des centaines de navires, bardés de dirigeables, se trouvent maintenant à moins de deux milles des côtes !!! La plus grande armada de tous les temps est là, face à eux... Tous deux réalisent subitement que la mer est basse, les obstacles qu'ils avaient mis des semaines à dresser ne serviront à rien !... Tout est à nu sur cette plage... Ils arrivent !... 

05h30 Les paras US du 505ème (82 A.B) ont investi Sainte Mère Eglise. Toutefois, la ligne de front reste précaire et des éléments de la 91e D.I retranchés dans le manoir de la Fière mettent la compagnie A en échec. La route vers Cauquigny , donnant accès à la R.N 13 n'est pas encore tenue.

05h50 Les 6939 navires de l'armada alliée abordent les côtes Normandes. Les premières salves de marine explosent sur le littoral. De nombreuses casemates sont anéanties ou très sérieusement endommagées. Si les pertes Allemandes sont assez peu élevées, l'effet psychologique causé par ce déluge de feu et d'acier est indéniable. beaucoup de soldats sont choqués et hors de combat. La première vague d'assaut est à six kilomètres des côtes. 

06h00 1365 bombardiers lourds déversent 13400 tonnes de projectiles sur les plages. Les objectifs prévus sont réalisés, à l'exception d'Omaha Beach, où les ouvrages bétonnés restent intacts, les bombes tombant à plus de 800 mètres de la ligne de défense. Les équipes enfermées dans les blockauss peuvent maintenant voir, face à eux, dans toute son étendue, l'incroyable flotte alliée. Les renseignements arrivent par bribes à l'état major de l'O.K.W. 

06h30 Les premières vagues d'assaut se lancent sur Utah et Omaha. Sur la première plage, une erreur de navigation des conducteurs de péniches fait débarquer les troupes à 2000 mètres à l'ouest de l'objectif initial. Sur le site, les obstacles sont beaucoup moins nombreux qu'à l'endroit prévu, et en grande partie détruits par les bombardements. Une vague de P 47 Thunderbolt achève la neutralisation des points d'appui. Quelques minutes plus tard, les équipes d'assaut du 8th R.C.T s'élancent sur le sable des secteurs Uncle red et Tare green ; elles sont appuyées par les Sherman D.D du 70th Tank Batallion. Jancke tente de s'opposer à ce déferlement, mais les armes qui restent encore en état de marche dans ce chaos sont proches du néant absolu... ses soldats se rendent un à un, les nerfs lâchent, beaucoup sont pris de crises de nerf. 

06h35 La première vague d'assaut est littéralement laminée à Omaha Beach. Pertes très importantes sur les secteurs Charlie, Dog et Fox. Aucun appui feu n'est disponible, la quasi-totalité des 32 Sherman Duplex Drive ayant sombré dès leur mise à l'eau. La réaction ennemie (352è D.I) cloue au sol les éléments des 1ere et 29e D.I.U.S. Les premiers renseignements sur la situation sont alarmants. 

07h10 Les 225 Rangers du 2e Bataillon (placé sous le commandement du Colonel Rudder) entament l'escalade de la Pointe du Hoc. Progression rapide malgré une violente réaction de l'ennemi. A Utah, la plage est définitivement tenue par le 8ème Infantery Regiment (4è D.I, "The Ivy"), les pertes sont inférieures à 50 hommes. Situation critique sur Omaha, où les pertes subies par la première vague dépassent 60% des effectifs engagés. 

07h30 Assauts simultanés par les troupes Anglo-Canadiennes à Gold, Juno et Sword. Sur les trois plages, si les pertes matérielles sont élevées, les objectifs semblent pouvoir être atteints dans les délais. Les 178 Français du commando n° 4 (Cdt Kieffer) s'élancent vers Riva Bella. Jean Couturier est de ceux-là. Arrivée de la seconde vague d'assaut à Omaha Beach ; aucune progression possible. Les survivants de la première vague demeurent cloués au sol. Le débarquement se poursuit toutefois, dans la plus totale confusion.

 

Omaha Beach par Marc Luczack


08h45 Juno est conquise après de violents combats au corps à corps. La progression vers les terres peut commencer. Les soldats Canadiens font preuve d'un courage à toute épreuve. 

09h30 Les Rangers ont investi la pointe du Hoc, malgré une opposition ennemie très forte. 

10h00 Le 2e East Yorkshire (3e D.I Britannique) s'empare de la batterie de Riva Bella alors que dans le même temps, le Royal commando 41 prend Hermanville après de lourdes pertes. Le casino de Ouistreham vient également de tomber sous l'assaut des "Frenchies" du commandant Kieffer. Si Juno est maintenant totalement nettoyée, 600 hommes sont hors de combat sur la plage. 

10h50 Gold est conquise, au prix de 400 soldats hors de combat. Prise de la batterie du Mont Fleury (2 pièces de 155) et de la Mare Fontaine (4 x 155 mm) par le 6è Green Howard (69ème brigade britannique). Sur Omaha, la situation est toujours aussi dramatique, Bradley envisage de faire rembarquer ses vagues d'assaut. Le point d'appui WN 5 de la Madeleine est totalement détruit, le sous lieutenant Jancke est à demi-enterré vivant... Dans un semi-coma, il distingue à peine un silhouette s'approcher de lui, l'enlevant aux décombres qui l'oppressent... C'est un infirmier Américain... Pour Arthur Jancke, ainsi se termine la guerre... 

13h30 Le commando 4 de la 1ère brigade spéciale de Lord Lovat relève les hommes du major Howard à Bénouville. En tête du détachement, un piper franchit le pont au son de "Black bonnet over the border", à la stupéfaction des "Ox and Bucks". C'est ainsi que Bill Millin entrera dans la légende du jour J. La radio Américaine, par la voix d'Eisenhower, annonce le débarquement. 

14h00 La situation s'est stabilisée à Omaha Beach où les unités d'assaut s'engouffrent maintenant, mais avec difficultés, vers l'intérieur des terres.

 


 

19h00 Les jonctions entre la 4ème DI et les éléments 82 ème Airborne les plus à l'ouest viennent de s'effectuer. ( pour les unités situées à l'est de Sainte Mère Église, celle ci ne sera réalisée que le 9 juin). 

20h00 La tête de pont sur Omaha est définitivement établie. A l'est de l'Orne tous les objectifs de la 6ème Airborne sont réalisés avec seulement 60% des effectifs. Le 2nd Rangers tient toujours la pointe du Hoc, mais a du repousser plusieurs contre attaques successives. Les Anglais de la 50ème D.I Northumbernian sont aux portes de Bayeux.


Bilan 

Au soir du 6 juin la majeure partie des objectifs a été réalisée, 135.000 hommes et 22.000 parachutistes ont débarqué, les pertes s'élèvent à 9500 morts, blessés, prisonniers ou disparus, nettement moins que les prévisions du SHAEF.20 000 véhicules dont 900 chars ont été débarqués, 1400 tonnes d'approvisionnement sont à terre. Bayeux est en partie aux mains des alliés, les deux ports artificiels d'Arromanches est en cours d'installation ainsi que plusieurs terrains d'atterrissage. En revanche, Caen et l'aérodrome de Carpiquet sont toujours Allemands, malgré l'héroïsme de la 3e D.I Canadienne. Les batteries de 210 mm de Crisbecq continuent de tirer sur les navires alliés. La pointe du Hoc subi de nouvelles contre attaques de l'occupant. Globalement, malgré ces éléments , les opérations se sont passées selon le meilleur scénario possible. Mais, la bataille de Normandie ne fait que commencer. Elle durera 7 semaines pour s'achever le 25 août avec la fermeture de la poche de Falaise. Les Allemands perdront durant ces deux mois 230.000 hommes et 2200 blindés. 

 

Stéphane Delogu 

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