LES COMBATS À LA FERME DES MAYENCES À CHAPEAU ( 03340 )

La ferme au lieu-dit « Les Mayences »
 

En 2016, Sébastien Joly de la Vernelle, nous a offert son reportage émouvant avec des photographies montrant la grande solennité de la cérémonie en souvenir des fusillés du 5 septembre 1944 à la ferme des Mayences. Depuis, j'y suis allé plusieurs fois et voici ce qui me fut raconté :

Le 2 septembre, le groupement Thiolet reçoit en renfort les escadrons 1/2, 3/2, 2/6. Mis à la disposition du groupement F.F.I. du lieutenant-colonel Colliou (Roussel) il participe aux opérations qui aboutissent le 12 à la libération de l’Allier. Les escadrons se rassemblent à Bessay-sur-Allier d’où ils entament leur progression vers le nord.

 

Mémorial à la ferme de Montedoux


Le 5, ils attaquent les colonnes ennemies sur le G.C. 12 et poussent sur la nationale 73, à l’est de Moulins où l’escadron 2/4 harcèle l’ennemi et fait 10 prisonniers. Sur le G.C. 12, l’escadron 1/2, vers 11 h 30, est pris sous le feu allemand. Les escarmouches se poursuivent jusqu’à 14 heures en lisière de la forêt de Chapeau. Une patrouille motocycliste du 2/2, en reconnaissance dans le bois de Chapeau, près de la ferme de Montedoux, tombe dans une embuscade. Deux gardes, Astruc et Lamarie, échappent à la capture. Les cinq autres, prisonniers (Noveillini, Delichère, Bianchéri, Guérin, François), sont fusillés sur-le-champ. Une action est décidée dans le secteur, pour délivrer, du moins l’espère-t-on, les gardes dont on n’a pas de nouvelles. Y participent les escadrons 3/2, 4/2, 5/2, et le peloton du 2/2.

 

Noms des fusillés


En provenance de Neuilly-le-Réal, le détachement du lieutenant Collet, du peloton 2/2, arrive à 14 h dans la ferme au lieu-dit « Les Mayences », à un kilomètre de Montbeugny. En ce jour de battage, une activité fébrile règne à l’exploitation. Le lieutenant Collet se renseigne. On lui signale la présence des Allemands à Montbeugny. L’ennemi effectivement s’y trouve. Mais l’officier ignore que ses guetteurs, postés dans le clocher de l’église, viennent de repérer ses hommes. Déjà, une colonne se dirige vers eux. Au moment où le lieutenant Collet donne l’ordre aux gardes de quitter les lieux, les assaillants surgissent de tous les côtés.

 

Ferme « Les Mayences »

Dès que la fusillade se déclenche, les gardes se précipitent dans les dépendances de la ferme. Depuis des emplacements de fortune, ils répondent avec toutes leurs armes au déluge de feu qui s’abat sur eux et stoppent les assaillants dans leur élan. 

Le détachement, complètement encerclé, se défend avec acharnement. Plusieurs blessés gisent sur le sol. Au fil des minutes, les munitions s’épuisent. Bientôt elles font complètement défaut. Avant que les Allemands ne se ruent sauvagement sur leur proie, trois hommes, le chef Villepinte et le garde stagiaire Pollart qui ramène à dos l’aspirant Vallon blessé, parviennent à se dissimuler et à sortir de la nasse.

Au combat, succède la barbarie. Les Allemands, au mépris de la Convention de Genève, alignent les prisonniers dans un pré puis les abattent d’une balle dans la nuque. Trois ouvriers agricoles subissent un sort identique. Le pillage de la ferme commence. Le détachement ennemi embarque son butin à bord du véhicule des gardes et s’éloigne des lieux. 

 

Dans les faits , ils ont été alignés contre le mur de la dépendance, Hubert Brérot (février 1931-novembre 2016) se souvient : "J'avais 13 ans, j'ai été épargné, j'ai été repoussé dans la maison avec les femmes. Deux ouvriers et un ami qui avaient la malchance de se trouver là ont été fusillés aussi." Selon son fils, Alain Brérot, il a eu la vie sauve car il ne faisait pas son âge.

 

Lieu exécution à la ferme des Mayences 5 septembre 1944


Le peloton de l’adjudant Creix du 2/2, en se portant vers le secteur d’où provient le bruit de la fusillade, perd deux gardes. Un peloton du 3/5 s’en approche par Chapeau-Yzeure et l’escadron 5/2 par la route Chapeau-Montbeugny. Des feux nourris d’armes automatiques et de mortiers retardent le mouvement de ces unités qui n’arriveront sur les lieux du drame qu’après le départ des Allemands. Au cours des combats qui viennent de se dérouler, le groupement Thiolet déplore 20 tués et 3 blessés (peloton 2/2 - lieutenant Collet, chef Fourcade, gardes Trabaut, Deboille, Ponsen, Barthel, Blaise, André, Deldique, Feraud ; escadron 3/2 - gardes Copienne, Cassan, Rolland, Noveillini Lebaut, Borgia ; escadron 4/2 - chef Delichère, gardes Biancheri, Guérin, François).

 

Nom des victimes du peloton 2/2 - Chapeau 03340

 

Le 6 septembre à 16 h, une escorte transfère à Vichy les corps des victimes, à l’exception de celui du garde Noveillini qui ne sera retrouvé que le 8 septembre. Le garde Flandin, de l’escadron 1/2, dans son carnet de route, témoigne des atrocités subies par ses camarades disparus : 

 - « Dans l’après-midi, alors que je lisais, deux camionnettes du 3e escadron sont arrivées à Neuilly-le-Réal. En m’approchant j’ai vu les corps de nos camarades horriblement massacrés, certains avaient les membres sectionnés, le ventre ouvert, le crâne défoncé et tous sans bijoux ni portefeuille, ni papiers. Ils étaient tombés sur une unité où il y avait beaucoup des mercenaires de Mongolie, de vrais barbares pires que les SS. »

 

Mémorial à la ferme des Mayences

 

À Vichy, les obsèques des victimes donnent lieu à une émouvante cérémonie. Le libellé de la citation décernée au lieutenant Collet illustre l’action courageuse de son détachement. Comme lui, tous les gardes sont décorés à titre posthume : 

- « Le 5 septembre 1944 à Montbeugny (Allier), complètement encerclé avec son peloton par un ennemi supérieur en nombre, a succombé avec tous les siens après une lutte ardente de plus d’une heure et demie, galvanisant ses gardes par son courage tranquille et son mépris absolu du danger, a combattu jusqu’à l’épuisement de ses munitions, servant lui-même une arme automatique et infligeant à l’adversaire des pertes sévères. Restera un exemple vivant de bravoure et d’abnégation. »

 

Source : La Garde sous Vichy, parut en 1997 et écrit par le Colonel de gendarmerie Claude Cazals (1930-2010), Claude Cazals et le fils de Marcellin Cazals (1905-2001) gendarme, maréchal des logis-chef et commandant de la brigade du Malzieu, Résistant et Juste parmi les nations. 

 

Je remercie Monsieur Alain Brérot pour sa gentillesse, son accueil et pour la liberté qu'il m'a donnée afin que je puisse photographier ces lieux remplis de souvenirs. Merci de m'avoir donné de votre temps en ce mois de mai 2017.

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